Cela fait des années que je dénonce un phénomène très français et qui explique la morosité de ce pays : le renonciation à toute perspective pour le futur. Déjà, interviewé par France Inter en 2005 au moment de l'émission de Jacques Chirac avec les jeunes, je parlais de "fracture générationnelle". Dans la foulée, j'écrivais un petit texte d'humeur Bas les pattes sur l'avenir ! publié chez Sens & Tonka (2005). J'y stigmatisais cette France vieillissante, grand hôpital geignard, où en plus les mêmes s'accrochent pathétiquement à leur pouvoir et à leur fric (planqué). Au pays de la combine généralisée et du mensonge, "ascenseur" social est devenu un gros mot incongru.
Je décrivais également un phénomène totalement inédit dans l'histoire : la privation de perspectives. Les gestionnaires de droite nous expliquent que le système marche mal, est très inégalitaire, mais que c'est le moins mauvais et qu'il n'y a pas d'autre mode de vie que cette consommation passive. Et les gens de gauche, convertis au pouvoir, nous disent qu'ils ont tenté toutes les révolutions, que cela s'est toujours mal terminé et donc qu'il faut se satisfaire du système en place avec un peu de saupoudrage social pour amortir.
Le rêve, c'est fini. Il s'agit pour ma génération --qui n'a entendu que le mot "crise" pendant que certains ne cessaient de se goberger en petits cercles-- d'un déni d'avenir scandaleux. Seuls les écologistes incitaient à repenser les fonctionnements personnels et collectifs à cause des périls globaux. C'est juste. Mais a-t-on besoin de périls pour bouger ? Le retour au local, à notre univers "visible" directement, montre le pouvoir que nous avons en fait sur notre quoridien et nos organisations sociales. Il est temps de forger des consommateurs-acteurs, comme des spectateurs-acteurs.
Après le mot "crise" agité depuis 1973 (donc depuis plus de 30 ans), c'est celui de "mondialisation" qui devient le nouveau hochet pour faire peur à nos consommateurs passifs et décervelés en "insécurité". Le livre Halte aux voleurs d'avenir ! (écrit à l'été 2010 pour le site jeune participatif www.fauteuiltronik.com) rompt heureusement (très téléchargé) avec ces pièges mentaux. Il remet en route la machine à imaginer. Il affirme que la mondialisation n'est un danger que si elle est subie, parce que chacun ne s'occupe pas de son univers proche et, dans un dialogue en réseau, ne demande pas des règles minimales réciproques internationales. La solution est le retour au local et les échanges locaux-globaux.
A "insécurité, crise, peur", répondons donc résolument "justice, proximité, durabilité". Nous attendons que les candidats de la prochaine élection sortent le pays de sa frilosité et de ses illusions perverses d'une protection nationale (la théorie du bunker) pour remettre en marche la responsabilité individuelle, les solidarités collectives de base (acheter c'est décider : j'achète pour défendre les produits de proximité, je boycotte les entreprises non-éthiques), et la machine à imaginer soi, sa vie, son quotidien, son espace social. Une citoyenneté dynamique et pas l'assistanat généralisé.
Fauteuiltronik a contacté des éditeurs pour diffuser aussi sur papier pas cher ce livre roboratif. Faites savoir et circuler. Ne nous laissons pas voler une fois de plus la parole par les ratiocineurs patentés, qui rabâchent à longueur de médias, alors qu'ils se sont trompés depuis 30 ans. Assez des baveux aigris, des "c'est pas la peine". La crise c'est eux et leur incapacité à penser, leur gâtisme profond, leur perpétuel torticolis rétro. Faites circuler les films, achetez ou envoyez le livre. Bougeons.
Halte aux voleurs d'avenir !
(ce livre est désormais en lecture gratuite ici. Cliquez sur le titre dans "lire plurofuturo (SEE)". Cela permet d'éviter les vicissitudes éventuelles du site fauteuiltronik.com)