29 : 05 : 08

Pas lu, pas vu

Vous le lisez ici et nulle part ailleurs : 

 

 

Les choses se sont totalement inversées. Autrefois, vous écriviez pendant des années, pas à pas, développant éventuellement votre vision du monde et puis, souvent après votre mort, certaines ou certains tentaient éventuellement de mettre cette écriture en correspondance avec des éléments biographiques. De nos jours, la « bio » devient l’objet même du livre. Chacun découvre ses plaies ou statue sur les « media-people », énervés cathodiques qui pissent sur les tables et hurlent comme des chiens à la radio.

 

Aujourd’hui, des personnes connues pour des raisons diverses font des bouquins-alibis (souvent écrits par d’autres) ou des personnes inconnues sont vendues à cause d’un épisode biographique particulier. Freaks. La campagne marketing est organisée autour d’une « révélation ». Chaque livre devient un dossier de presse, un slogan pour bandeau. Une phrase fait article, un article fait ouvrage, un ouvrage fait œuvre.

 

La jactance codée militante nous gonflait dans les seventies marxisantes ; aujourd’hui, le degré zéro de l’intime nous afflige et pourrait nous plonger vers Kierkegaard, comme une bouffée d’air frais. Un zeste de dignité. Une haine ancrée du médiocre.

 

Le savoir devient en effet signe d’ennui, quand la crétinerie notoire amuse et rassure. La démocratisation n’est pas à l’œuvre --qui serait une possibilité générale de connaissance--, mais s’opère un décrochage intéressé dans la bêtise et la médiocrité. Elles rassurent tout le monde en confortant la consommation passive. Alors, l’interview perpétuelle multiplie les livres café du commerce, les confessions de fin de repas, la reality-loghorrée. Le rien de l’intime réduit à son paquet de poils remplace le quotidien universel.

 

Parallèlement, la vague sociologisante commente le commentaire avec nos psys. Elle érige l’air du temps en phénomène, ramasse quelques poncifs et les mêle avec les épices du paradoxal pour un brouet philosophique du ras du bitume. Le titre et la couverture résument tout. Les auteurs se font les perroquets d’eux-mêmes, répétant leur accroche clipée. Pensée gimmick, réflexion-riff. Oubliée dès le lendemain.

 

Chacun peut désormais parler partout. Les vidéos vont envahir le Net. Les blogs se déversent par millions. Il importe alors de défendre l’acte d’écriture, la confection du livre (sur papier ou en ligne) comme un rendez-vous grave qui engage, entre ratés et fulgurances. Baudelaire écrivait : « Le Sage ne rit qu’en tremblant ». Ne soyons pas sages, mais écrivons avec crainte. Et ne prenons plus les torchons pour des serviettes, car il n’y aura plus que des torchons.

 

 

Au bouquin cale-buffet, au codex pour 10 jours, songeons à ce qui nous bouleverse, nous apprend, demeure et parle au futur. Pas pour une perfection qui n’est nullement notre objet, mais pour continuer à tisser ce lien qui nous unit à quelques-uns de nos aînés et parlera peut-être à certains de nos enfants.

 

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21 : 05 : 08

Diversifier la diversité

Hong Kong. Jadis (en 1999), je m'élevais dans un rapport écrit contre l'"exception culturelle" (vision frileuse, protectrice) pour promouvoir la notion de "diversité culturelle". Aujourd'hui, où cette notion s'est banalisée, méfions-nous. Certes l'écologie culturelle incite à préserver des populations aux modes de pensée différents et à ne pas tout abraser avec les modes de vie globalisés dans la bonne conscience droit-de-l'hommiste. Mais il ne faut pas tomber dans des conservatoires figés concurrents, nouveaux cadenas pour les consciences. Affirmons donc la liberté de choix individuelle et d'évolution. Diversifier la diversité consiste à éviter de fabriquer des ghettos, hormis certaines zones de territoires où des populations (en Asie, en Amazonie, en Europe ?) souhaitent éviter les relations avec le reste du monde. Le droit à la diversité a en effet probablement son équilibre dans un droit à l'isolement (comme pour les communautés monastiques). Voilà une philosophie de la relativité en action.

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07 : 05 : 08

Ligne Alexandrie

Portrait d'une ligne élaboré dans le grand salon du consulat de France à Alexandrie, face à la baie, par le dessinateur franco-égyptien Bahgory, tard, autour des alcools, et à mon insu. Dans ce site Internet où l'autocomplaisance règne, cette trombine charpentée ne détonne pas. Pourtant, au-delà de la gentillesse malicieuse du créateur, se découvrir en état de décomposition, paysage ravagé, à l'oeil, non pas malin, mais abruti sous la boursouflure, remet à sa place. Voilà soi en végétalisation, de l'égo-bio, vert déchet. Bref, en voie recyclable.

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04 : 05 : 08

Les jolies couleurs des collabos

En contemplant à Vienne l'incomparable collection d'armures de la Hofburg, je songe aux multiples niveaux de regards dans une exposition. Peu après, à Paris, je suis sidéré à rebours par la légèreté initiale dans la présentation des vues de Zucca (travaillant sous l'occupation en France pour le magazine allemand Signal). J'aurais aimé défendre la liberté de tout montrer (ce que je pense nécessaire), le refus des visions trop directives pour laisser le spectateur juger par lui-même, la liberté esthétique... Mais là, j'accepte finalement d'intervenir (à la radio, sur France Inter) et sanctionne comme les autres : trop c'est trop et il faut vraiment décoder ce joli Paris insouciant. Tous les photographes ne furent pas Zucca, n'en déplaisent aux héritiers. Heureusement.

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04 : 05 : 08

Hitler a tué les Führer

Tout se brouille. S'asseoir sur le Néant et apercevoir un obélisque à Martinvaast dans le Cotentin. Je lis Peillet par Gayot, le seul livre intéressant en ce moment. La décoction, le paysage modifie la perception. Pour Peillet (ou Drieu la Rochelle ou Malraux), il existe une vraie crise d'Idéal, dernier jours ou premiers jours. Sa quête signifie son absurdité : Dieu est mort, et le sacré nous hante. Hitler a tué tous les Führer. Il nous reste la pantomime. Le Vide succède à tant de Pleins. Et nous devons néanmoins reprendre la route. Avec des éclaireurs. Pas des maîtres à penser. Des cactus. Sans Foi. Mais avec des repères.

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15 : 04 : 08

Egypte, klaxons, tombes

Ce pays possède de beaux esprits. Des femmes brillantes parlent à l'université ou fouillent, jaugent les médias et les réserves du Musée du Caire. J'ai marché, rencontré, pénétré une tombe de Sakarah avec Athor majestueuse protégeant un ambassadeur de Pharaon, erré dans les studios Masr avec une directrice passionnée, entre stucs et numérique, vu la baie bleue d'Alexandrie à faire oublier les déchets. Le savoir est là, encore respecté, l'énergie aussi. Il faut aider à l'excellence ce palmier d'eau sur désert, pour que la fertilité triomphe.

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29 : 03 : 08

Ici et partout

La zapping devient permanent. J'ai raté une rencontre jeudi avec Patti Smith pour rejoindre Kenneth White à Trebeurden, avec un soleil d'eau. Tout avance. Mais il faut aussi recevoir des claques comme à 18 ans par des personnes certes sans importance mais qui importent encore pour bloquer le quotidien. Personne ne peut imaginer ce poids du vide. Désespoir et révolte. Qui n'avance pas recule. J'avance encore, balaie le panurgisme à travers des petites tempêtes matinales. Qui comprend ? Il faut se blinder contre la bêtise de beaucoup, la non-lucidité, les tartes épanouies. Il faut payer d'être non markété, atypique, pas formaté, difficile à saisir. Et refuser de péter en public ou d'apitoyer. Rien. De la dignité. Je ne changerai rien. La résistance. Guérilla de la marge, du regard de travers, du monstre. Je filme alors les écarts de pensée. A moins de 40 ans, on se fout de 68 et on entre naturellement dans ces bas-côtés variés, ces tapas recherchés.

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16 : 03 : 08

codex ou cale-buffet

Tout se mêle en moi. Je reviens d'un reportage vidéo à Gaillac. L'exposition fine et pointue est conçue à partir d'un livre du Marquis de Camarasa La Brouette (développant ses "causeries brouettiques" en 1925). Voilà de l'écologie culturelle, de la défense de la diversité. Ce sont ces "fous" littéraires et artistiques (disons-le, je dirige par ailleurs le comité scientifique de l'Institut sur ces personnages) qui me réconcilient avec le livre.

En tout cas pas le Salon du livre, vômissoire de vieux ringards et de jeunes écervelées qui pondent du papier en liasse. Il faut, au détour d'un stand, le canonique et délicieux Egyptien Albert Cossery, seul d'ailleurs comme je vis jadis le pauvre Pierre Desproges au Grand Palais, pour gommer en partie les queues des Nicoletta et des Pancol markettées. Ou le coin manga, assez sympathique avec des passionnés dédicaçant à l'encre de Chine, bras tatoués.

Comment cette parodie culturelle continue-t-elle ? Le déversement de l'égo à la petite semaine noie les 10% de travaux ambitieux, présentés soit par de petits éditeurs qui ferment, soit par de grands éditeurs dont cela devient le luxe. Quel devenir ? Cale-pied de buffet. Point de postérité. Voilà ce que nous deviendrons tous. Les grands discours --réactionnaires au sens propre, nostalgie d'un temps perdu-- sur la sacralité du livre sont balayés dans les faits. Le système se suicide lui-même par multiplication irraisonnée, qui, en plus, n'a même pas le mérite de permettre à des oeuvres ardues d'exister. Le n'importe quoi de la banalité de base balaie une édition française nulle à l'exportation. Le constat devient aigre.

Ne la sauvons surtout pas. Il faudra renaître du marasme.

 

 

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24 : 02 : 08

traces visuelles

Ouf. Silence long sur ce site mais quel boulot... Fini aujourd'hui une histoire mondiale du visuel et toutes les images numérisées. Dantesque, un testament. Il faut regarder ailleurs maintenant. Respirer. Plus de tête. Hier, 19 heures d'écriture d'affilée, les scans aujourdhui.

Regarder ailleurs.

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19 : 12 : 07

Photogénie victimaire

Désormais, la mort accompagne chacun de mes pas.

Je suis assourdi et griffé aux yeux par l'exposition victimaire. Photogénie des otages. S'intéresse-t-on à ceux qui ne sont pas beaux, n'ont pas un nom français, ne présentent aucun enfant charmant ? Après la libération espérée de cette dame, tout le monde crèvera dans les forêts.

Voilà ce que j'appelle une question "spouic". Elle est sans solution, car personne ne veut de mal à cette Bettencourt, sinistrement capturée (en tout cas pas moi). Mais le tri people de la souffrance est ignoble.

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