10 : 03 : 17

Un musée pour comprendre la différence

Le 4 mars 2017, a lieu l'inauguration d'une nouvelle institution à La Force près de Bergerac dont il a conçu le projet et dont il préside le conseil scientifique : la Maison John et Eugénie Bost - un musée pour comprendre la différence (maisonbost.com). Placée par lui sous cet appel à "comprendre la différence", cette institution pluridisciplinaire et gratuite appartient à la Fondation John Bost, qui accueille et soigne des personnes (enfants, adolescents, adultes et seniors) souffrant de troubles psychiques et de handicaps physiques et/ou mentaux, ainsi que des personnes âgées dépendantes. L'originalité du musée est d'être la carte d'un territoire et d'inviter à circuler dans ces lieux ouverts, de provoquer des rencontres avec un parcours d'expositions évolutives auxquelles participent les résidents. La première exposition a été consacrée en 2017 à : Francis Masson, le Calder de La Force. Plusieurs livres sont sortis à cette occasion, dont La Saga Bost (Labor et Fides), co-dirigé par Patrick Cabanel et moi-même, qui retrace les persécutions sous Louis XIV de la famille originaire de Beaumont-lès-Valence et la fuite à Genève, la diaspora sur plusieurs continents et des personnages forts comme Pierre Bost (écrivain et scénariste avec Jean Aurenche), Jacques-Laurent Bost, ami de Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, ou le chanteur Renaud.

Aventure collective, c'est une très belle réalisation. Elle a mobilisé une centaine de personnes qui n'ont pas ménagé leur peine. Je remercie particulièrement l'équipe scénographique (François Payet et Anne Bourdais), la conservatrice (Ariane Dahan) et le staff de direction de la Fondation avec Olivier Pigeaud, Christian Feuillette et Christian Galtier, ainsi qu'Arnaud Bigex pour le site Internet.

L'inauguration fut un moment très chaleureux, fort, avec des réactions enthousiastes d'un public très très nombreux. Maintenant, grâce au comité scientifique prestigieux et attentif et les équipes sur place, il faut faire vivre cet outil très original.

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03 : 02 : 17

LE TEMPS DE LA DEQUALIFICATION

Issu du site decryptimages.net :

L’accumulation planétaire d’images, texte et sons et leur circulation exponentielle ont plusieurs conséquences directes. Les plus évidentes sont l’obsolescence généralisée et la déqualification avec perte de tout repère. D’autant que notre ubiquité constante ne s’est pas accompagnée d’un effort éducatif à tout âge pour offrir des bases en histoire du visuel et des méthodes d’analyse. Elle ne s’est pas non plus accompagnée d’efforts pour multiplier les médias-relais, les médias intermédiaires, géographiques ou thématiques qui trient et proposent entre les milliards d’expressions individuelles et les médias minoritaires dans lesquels les mêmes informations très restreintes et les mêmes personnages tournent en boucle.

Au début des années 2000 (en 2003), dans le cadre des activités de l’Institut des Images, l’un des ancêtres de ce site (imageduc.net) avait mis en place un Baromètre européen des médias, premier outil comparatif de mesures statistiques des contenus, dont la synthèse fut publiée à La Découverte dans Inventer l’actualité. La construction imaginaire du monde par les médias internationaux. Nous avions pointé juste. Pourquoi ? Au temps du n’importe quoi et des fameuses « vérités alternatives » (évoquées récemment sur decryptimages), il apparaît de plus en plus clairement que les humains se séparent aujourd’hui essentiellement entre deux visions du monde : une vision figée, d’exclusion, autoritaire et propagandiste qui n’a rien à faire avec les faits (religieuse ou non d’ailleurs) et une vision qui conçoit le vivre ensemble comme une défense de la diversité, biodiversité ou culturodiversité (religieuse ou non).

Dans le cadre de la défense de la diversité et des libertés publiques –qui est clairement la perspective de decryptimages.net--, nous ne pouvons alors que soutenir tous les efforts visant à la mise en place de médias intermédiaires et aussi de mesures des vecteurs d’information. Ainsi en France, même si l’initiative vient d’un journal (Le Monde) --donc d’un média partie prenante de l’objet d’étude--, le récent baromètre Décodex (lemonde.fr/verification/) est une initiative intéressante, qui devrait se multiplier. Nous nous apercevons en effet tardivement que publicité et propagande ont envahi la guerre mondiale médiatique à l’œuvre aujourd’hui.

Voilà pourquoi le combat de la pertinence est devenu prioritaire. Voilà pourquoi la qualification des images importe davantage que les images elles-mêmes, pour tous les types d’images. C’est ce à quoi nous appelons sans cesse.

Cela est d’autant plus important que la nécessité de médiatisation (ce qui n’est pas vu, n’existe pas) a dévoyé les méthodes et l’éthique scientifiques. Ne parlons pas simplement de leur instrumentalisation par l’argent en finançant et en orientant les recherches, mais aussi grâce à une dérive. Dans le marketing des news au sein du flux continu, l’oubli est règle et le commentaire prime sur l’étude. Ainsi, des philosophes, sociologues, psychanalystes autoproclamés font du journalisme avec une aura scientifique ne reposant sur aucune recherche autre que leur éventuel brio oral. Mais cela s’est répandu dans toutes les sciences, notamment les sciences humaines. Désormais, d’obscurs tâcherons souterrains ou des étudiant(e)s exploité(e)s réalisent de longs travaux que d’autres pillent sans vergogne et sans citer personne. C’est la piraterie généralisée. Désormais aussi, des esprits futés construisent hâtivement des thèses à partir d’une conclusion choisie pour faire des articles à scandale qu’ils appellent des livres.

Les sciences sont donc fortement touchées par la déqualification. Et pourtant aujourd’hui, face à la perte des repères et aux vérités auto-proclamées, quel est le seul terrain sur lequel les humains peuvent échanger comme base de leur vivre en commun, si ce n’est le terrain scientifique ? Pas le scientisme, la religion de la science, mais ce grand mouvement évolutionniste qui est celui des recherches critiques et expérimentales aptes à donner des éléments d’appréciation du monde, de compréhension et de choix individuels et collectifs.

Voilà pourquoi, de même qu’il faut urgemment qualifier l’espace médiatique et donner des repères, il est très urgent de requalifier l’espace scientifique. Cela changera probablement la visibilité publique et offrira des surprises étonnantes sur les contenus et les pratiques. A quand un Décoscientex ?


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15 : 01 : 17

HISTOIRE NATIONALE, HISTOIRE GLOBALE, HISTOIRE STRATIFIEE

Il est toujours très difficile d’expliquer les basculements. Pourquoi des notions cachées, des pensées invisibles et méprisées surgissent soudain comme des évidences collectives. Prenant de l’âge, je devrais avoir du recul sur cela et des réponses éclairantes, mais non. Il s’agit d’un sujet de recherches bien mystérieux, en tout cas pour moi. Benjamin Stora, lors d’un entretien dans l’émission [decryptcult] visible sur ce site, expliquait que l’exposition La France en guerre d’Algérie en 1992 au Musée d’histoire contemporaine constitua un tournant dans la recherche et la compréhension des événements. Pourtant, cette exposition et l’important ouvrage qui l’accompagnait se déroula dans un silence médiatique quasi-total (hormis un article dans le journal Le Monde qui expliquait qu’il ne fallait pas faire d’exposition ambitieuse quand on n’avait pas les mêmes espaces que le Centre Pompidou…). A partir de 2002, tout le monde cependant courait après le livre et la guerre d’Algérie occupait des médias étonnés qu’on n’en parlât point suffisamment.

Il en est de même avec ce que j’appellerais l’histoire élargie. Cela fait des dizaines d’années qu’il y eut des travaux sur les circulations ou de l’histoire comparatiste. Après plusieurs manifestations comparatistes dans les années 1990 au Musée d’histoire contemporaine, j’y apportais –parmi d’autres-- ma contribution en créant la revue Comparare en septembre 2001 avec un comité comprenant Jacques Le Goff, Eric Hobsbawm, Bronislaw Geremek, Carlo Ginzburg, Rudolf von Thadden. Jacques Le Goff et Eric Hobsbawn se montrèrent particulièrement actifs. En 2006, ce fut une initiative d’une toute autre ampleur : le Dictionnaire mondial des images, croisant les travaux de 475 spécialistes de toute la planète, qui analysait l’ensemble de la production visuelle humaine.

J’ai longtemps –assez seul, je dois le dire-- critiqué une « provincialisation » de la science historique française, la marginalisant, sous l’influence d’un ouvrage collectif initié par l’éditeur Pierre Nora : Les Lieux de mémoire. J’y critiquais, non pas l’intérêt ou la qualité de l’entreprise (et d’ailleurs beaucoup d’ami(e)s y ont participé), mais l’impasse et l’influence nocive. L’impasse parce qu’on ne peut donner comme piste d’avenir aux jeunes chercheuses/cheurs cette histoire au second degré sur un roman national bâti au XIXe siècle. L’influence nocive car l’irruption d’un « tout mémoire » en France (avec un succès qui a d’ailleurs dépassé Pierre Nora) fut néfaste pour le développement de la science historique (la mémoire n’a que faire de la véracité des faits) et permit l’instrumentalisation communautariste de seulement certaines mémoires.

L’Histoire –reconstruction problématique du passé—rassemble quand les mémoires peuvent faire éclater le vivre-ensemble. Au slogan ressassé « devoir de mémoire », devrait se substituer « besoin d’Histoire ». Car aujourd’hui nous nous trouvons avec tous les inconvénients : l’Histoire sous contrôle par les groupes de pression et l’oubli total immédiat dans une obsolescence généralisée qui a fini par toucher même le monde universitaire où le pillage, la non-citation, l’ignorance des références antérieures sévit : des produits marketing fabriqués pour une société de l’instant ballotée au gré des secousses médiatiques.

Ce long préambule me permet d’expliquer combien, par contraste, nous pouvons nous réjouir de l’initiative de Patrick Boucheron avec son équipe d’une Histoire mondiale de la France (Seuil). Bien sûr, il y aura des esprits chagrins pour trouver les articles courts trop sommaires, pour contester les dates choisies, pour souligner tous les manques. C’est inévitable et facile. Moi-même, je me suis amusé de la cécité récurrente des historiens quand Asterix est seulement vu comme un satellite dans l’espace, alors que l’émergence de la bande dessinée française dans les années 1960 avec Pilote et Hara Kiri, héritiers de la bande dessinée belge, du New Yorker et de Mad, avec une génération exceptionnelle d’auteurs, aurait mérité une entrée. Mais Laurence Bertrand Dorléac ou Antoine de Baecque apportent par ailleurs des éclairages très pertinents sur d’autres aspects visuels.

Les contestations peuvent en effet être sans fin et il serait très facile de détruire l’entreprise pour mille raisons pertinentes. Elle est néanmoins méritoire, intelligente, réjouissante et utile. Pourquoi ? Parce qu’elle prend les tenants d’une histoire chronologique et les nostalgiques d’une histoire-récit au mot. Voilà des articles, courts, clairs, qui racontent, avec quelques références à la fin et des renvois à d’autres articles (ce que j’avais fait dans le Dictionnaire mondial). L’entreprise éveille la curiosité et donne envie d’aller plus loin. Elle n’établit pas un nouveau dogme, un nouveau roman national, elle offre des perspectives sur des moments où les événements d’un territoire résonnent avec l’ailleurs.

Après des années d’une France repliée sur elle-même, angoissée sur son identité, « moisie », nostalgique de tout et souvent du médiocre (des variétés ressassées), voyant ses penseurs les plus gauchistes initialement devenir des défenseurs de l’académie atrabilaires, ce livre et le bel accueil qu’il reçoit fait sens. Peut-être enfin allons-nous sortir du repli masochiste et sénile. Il serait temps. Il serait temps d’ouvrir les portes de la pensée et non seulement de faire de l’histoire globale mais de reconsidérer l’ensemble de l’histoire longue du territoire à l’aune des échanges et des conflits.

Chaque individu aujourd’hui a une identité imbriquée dans laquelle des lieux, des goûts, des histoires familiales se mélangent. Le besoin de repères n’a jamais été aussi fort. Pour cette raison, pédagogiquement, il est nécessaire désormais de faire de l’histoire stratifiée, c’est-à-dire de partir de l’histoire locale –là où on vit—qui est beaucoup trop ignorée, pour l’inscrire dans une histoire régionale (est-il semblable de se trouver en Bretagne ou au pays basque ou en Alsace ?), une histoire nationale en fonction du territoire du moment, une histoire continentale et une histoire de la Terre (car, depuis les origines, nous avons eu de grandes circulations des humains et des biens et des évolutions environnementales et économiques et culturelles dépassant toutes les frontières variables).

Voilà pourquoi la parution de l’Histoire mondiale de la France est un bon signe, le signe que nous recommençons à penser large, que nous pouvons sortir de l’instrumentalisation politique ou communautariste, que des perspectives nouvelles peuvent se mettre en place. Il était temps. Souhaitons que cela ait des conséquences positives pour la recherche et pour la vulgarisation dans tous les domaines quand nos télévisions sont focalisées encore de façon stupéfiante sur le culte des puissants avec une vision régressive d’extrême-droite (que dirions-nous si une vision marxiste de l’histoire accaparait les écrans ?), totalement coupée des travaux historiques en cours.

Il est possible donc que ce livre soit le signe d’un basculement longuement attendu, un basculement qui permette de réconcilier la science historique avec la société de son temps en donnant des repères concentriques dont nous avons besoin pédagogiquement et aussi pour ouvrir les écoutilles des passionné(e)s et des chercheuses/cheurs. On s’apercevra alors probablement dans la foulée qu’apprendre à voir est aussi important qu’apprendre à lire et que lorqu’on reçoit toutes les images passées et présentes de façon indifférenciée sur le même écran, il devient crucial de les situer par des repères concernant l’histoire planétaire de la production visuelle.

Grand merci donc à Patrick Boucheron et à son équipe. Work in Progress !

Laurent Gervereau

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30 : 12 : 16

BD : 10e anniversaire d'Artemisia !

J'ai accepté de devenir Président d'honneur du prix Artemisia pour son 10e anniversaire. Ce prix récompense des femmes créatrices de bandes dessinées. Le scandale provoqué en 2016 au festival d'Angoulême par la sélection d'aucune femme dans les 30 nominations pour le Grand Prix a justifié pleinement cette initiative. Ma présence et celle d'autres hommes dans le jury montre de plus l'ouverture d'esprit de ce qui doit beaucoup à Chantal Montellier, dont j'apprécie fort l'oeuvre.

Alors, soyez là le jeudi 12 janvier à 18h30 (Musée du Vivant-AgroParisTech, 16 rue Claude Bernard, 75005 Paris). Ce sera gai et passionnant avec la présence de créatrices inventives et talentueuses !

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11 : 12 : 16

Rallumons les Lumières !

La violence, l'imbécilité, l'obscurantisme, la veulerie semble dominer les agissements humains sur cette planète. Il est temps donc d'entrer en résistance, de "Rallumer les Lumières !", de célébrer les savoirs, les savoir-faire et la création, qui concernent une exigence précieuse traversant tous les milieux sociaux, du Yao en forêt laotienne à l'apicultrice/teur, au menuisier ou au mathématicien/ne, à l'agronome et au musicien/ne ou à la dessinatrice/teur.

Cette année, Argentat sur Dordogne a pris ce beau thème pour les Rencontres-Promenades (www.histoiresdepassages.com)  du 20 au 23 juillet 2017. Il y aura tant d'événements passionnants et même une rue Roland Topor, clin d'oeil à un touche-à-tout profond et réjouissant.

René Pétillon a réalisé le formidable dessin de l'affiche. Mandryka expose le concombre masqué, premier super-héros végétal. Speedy Graphito peint un mur en public et montre des oeuvres originales. On écoute Louis Winsberg en forêt comme Gilles Clément. Bref, des moments d'exception avec vous et grâce à vous.

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15 : 11 : 16

SEUL(E) dans la multitude à l'ère de la confusion

SEUL(E)

dans la multitude

à l’ère de la confusion

La grande question contemporaine réside dans le rapport entre l’individu et les foules. Certes, des conceptions (notamment asiatiques) du monde peuvent nier cela en pensant que l’individu n’existe qu’en tant que partie prenante d’un tout, société humaine et environnement. L’individuation peut n’avoir pas de sens.

Pourtant l’histoire humaine fut une longue mise en avant d’individus, individus valorisés pour leur force, leur beauté, leur puissance politique ou religieuse, leur savoir, leur savoir-faire… Bref, nous n’avons cessé de construire de la différence individuelle. Aujourd’hui, au XXIe siècle, à l’ère de l’ubiquité médiatique, la question n’est plus vraiment seulement de savoir si l’individu émerge et a une latitude de singularisation dans des groupes sociaux larges, mais comment sa singularisation peut s’exprimer et peser sur le tout.

Bien sûr, des forces monorétro (pour une seule manière de penser héritée du passé) se satisfont parfaitement de la dissolution de l’individu dans des masses manipulées par quelques-uns politiquement, religieusement ou commercialement ou les trois à la fois. La confusion sert les plus puissants.

Elle est un formidable broyeur de sens dans tous les domaines. Le fact checking s’avère sans impact face aux rumeurs et aux communautés virales sur les réseaux sociaux. L’individu isolé n’a aucune chance de porter à la connaissance publique une idée originale. Pire, des chercheurs peuvent végéter dans l’invisibilité totale ou être récupérés et détournés sans être cités. En art, tout est art, donc rien n’est art. Hier est aussi actuel qu’aujourd’hui et le marché de l’offre devient exponentiel.

Bref, nous sommes dans la confusion généralisée avec une guerre mondiale médiatique. Aucune démocratie de l’information n’existe quand les même choses tournent en boucle parmi les milliards d’émissions sans aucun média-relai intermédiaire : à réalité stratifiée, nécessité de stratification médiatique.  Alors, personne ne s’y retrouve au sein de pareille cacophonie, ce qui est dangereux car les individus perdus se raccrochent à n’importe qui, n’importe quoi.

Il est probablement temps, pour toutes et tous, de devenir des spécialistes-généralistes et de s’occuper de l’essentiel. Quels sont les priorités environnementales collectives ? Comment structurer la planète autour de nos vies locales-globales par des fonctionnements fédérés où la dimension nationale n’est plus qu’une des strates ? Comment penser ses propres actions comme des choix responsables éclairés par l’éducation à tout âge ?

L’émiettement planétaire dans l’explosion des égoïsmes locaux n’est pas la solution car les questions qui nous occupent, environnementales, financières, migratoires, sont collectives. De plus, la diversité des religions et des conceptions philosophiques peut être préservée grâce à un vivre-en-commun fondé sur l'approche scientifique et critique, la seule qui rassemble sans imposer une vision du monde. A l'inverse, l'uniformisation planétaire dans l'acculturation et la consommation addictive des mêmes produits et des mêmes images pour des sociétés de la norme et du contrôle forme une alternative dangereuse (elle est refusée à juste titre par les peuples, car on ne vit pas et on ne veut pas vivre dans tel quartier de New York comme à Limoges, en forêt laotienne ou à Bamako).

Voilà pourquoi il importe de repenser général en transformant un niveau local rétro-futuro (avec des traditions défendues et choisies et de l’innovation). Voilà pourquoi il faut songer au rare, à l’unique, au précieux, à ce qui fait valeur pour soi. Cela n’est pas mesurable par l’argent. Voilà pourquoi aujourd’hui nous avons besoin de repères et de quelques idées claires sur l’état de notre planète et sur les buts collectifs minimaux. Voilà pourquoi il est temps de revivifier l’action locale, dans les quartiers des villes ou dans les campagnes, et de peser enfin collectivement sur le devenir terrien qui nous concerne toutes et tous, en définissant des limites dynamiques dans tous les domaines. Bâtissons un Pacte planétaire évolutif qui s’impose partout avec une responsabilité collective et la possibilité de sanctions.

Il est temps, pour permettre de sortir de la confusion, d’avoir des buts communs, qui seront aussi des garanties de diversités locales fortes. L’un(e) ne peut apprécier sa singularité dans la multitude qu’en sortant de la confusion. Nous devons penser nos repères.

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09 : 11 : 16

Rallumons les Lumières !

PLUS QUE JAMAIS D'ACTUALITE :

Face au NEW AGE OF DARKNESS...

Rallumons les Lumières !

C'est le thème des Rencontres-Promenades 2017 d'Argentat sur Dordogne (du 20 au 23 juillet) : www.histoiresdepassages.com

René Pétillon en a créé l'image

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04 : 10 : 16

ET LA CULTURE ?


Lisez cette synthèse pour comprendre l'absence aberrante de la culture dans la campagne électorale française, les questions de définition essentielles pour couvrir le territoire culturel de chacune et chacun au quotidien et les enjeux locaux-globaux, le malaise profond des actrices/teurs du champ culturel et des savoirs (qui ne sont plus des modèles sociaux) et les pistes pour transformer un ministère en déshérence :

Nous sommes partis dans les soubresauts –seconde par seconde-- des aiguillons tweetés par une actualité politique où l’obsolescence programmée règne. Immigration, identité, chômage, les pics d’attention apparaissent au fur et à mesure de formules choc. Il est cependant un domaine qui indiffère complètement depuis des années : la culture. Pourquoi ?

La culture a une mauvaise image, la plupart de ses acteurs sont invisibles

La culture est encore trop souvent regardée comme un ensemble d’activités élitistes, expositions, musique dite classique, théâtre… De ce fait, elle subit deux phénomènes très dangereux : des caricatures hâtives et un ostracisme devenu sens commun.

La définition de la culture d’abord est impropre. Comme les forêts, la culture évolue dans le temps et souvent nous y pensons en référence à ce qui pouvait être « culturel » dans les siècles passés. En se focalisant sur ce mot de « Culture » avec une majuscule, on l’anoblit certes, mais on la sépare aussi. Il faudrait donc probablement employer le terme au pluriel pour montrer la richesse des phénomènes culturels et leur caractère changeant avec des frontières floues. La culture est consubstantielle de la diversité culturelle, contenus et vecteurs.

Quand Hergé est exposé au Grand Palais comme un artiste –ce qui était impensable il y a 20 ans—ou quand la gastronomie est reconnue comme un patrimoine culturel ou quand les modes de vie japonais passionnent, c’est bien le pluriel des formes culturelles qui importe désormais. D’ailleurs, la déqualification à l’œuvre sur les écrans (tout est mélangé au même niveau) a déjà opéré la symbiose dans l’imaginaire des populations. D’où, en parallèle, la nécessité impérieuse d’une requalification par l’éducation avec instillation de repères à tout âge. Apprendre à voir est aussi important au XXIe siècle qu’apprendre à lire, apprendre à identifier ce que l’on voit.

Mais revenons à la question des cultures. Parler « des cultures » permet en effet d’ouvrir le spectre d’un patrimoine et de pratiques culturelles larges, mêlant la création, les savoirs, les savoir-faire. Exemple : nous avons vu la vogue actuelle de la photographie, qui fut minorée longtemps par rapport à la peinture, ou le statut du jazz passant d’une curiosité communautaire à un genre musical planétaire. La redéfinition intégrative de ce que sont les cultures amplifiera un phénomène en cours et permettra aux populations de se reconnaître à travers ces pratiques culturelles mélangées.

Cela permettra aussi peut-être de sortir de ce qui est insupportable : l’ostracisme, la détestation culturelle et la haine de ses acteurs. Les termes sont trop forts ? Il n’y a pas de Trump qu’aux Etats-Unis. Non seulement lorsqu’on parle de culture, beaucoup de « décideurs » prennent désormais un air ennuyé mais certains n’hésitent pas à asséner avec violence leur inculture comme une fierté, maniant grossièreté et humiliations. Etre proche du peuple veut-il dire rejeter savoirs et culture ? Quel mépris pour toutes les cultures populaires aujourd’hui si diverses, hybrides, multiples de tant de parcours personnels.

Ce mépris est de plus à courte vue. Qu’est-ce qui fait le tissu social, si ce n’est un ensemble de pratiques culturelles traversant les groupes sociaux ? Qu’est-ce qui « vend » la France à l’étranger si ce n’est le patrimoine et les modes de vie ? L’American Way of Life est promue par le cinéma des Etats-Unis depuis la Première Guerre mondiale. Il est réellement temps donc d’arrêter ce qu’il faut qualifier de cécité stratégique : en interne comme en externe, dans la réalité du monde aujourd’hui, l’espace culturel au sens large se révèle fondamental. La guerre mondiale médiatique où le croire devient prépondérant par rapport au faire (des guerres gagnées sur le terrain sont perdues sur le front de l’opinion) impose de comprendre ce qui est une vitrine décisive.

Formés aux chiffres ou au marketing, nos politiques ne sont pas préparés au monde qui change. Pour beaucoup, leur incurie culturelle est un handicap. D’autres érigent désormais l’ignorance et la provocation en méthode de conviction, comme si gouverner consistait à faire du stand up. On rit en Europe des Américains qui ne savent pas où est l’Europe mais nos grandes écoles et universités de prestige préparent-elles à comprendre l’espace iranien ou la Creuse ou les mangas et la circulation planétaire des images ? Dans la boussole éducative, il manque un point cardinal.

Pourquoi ce trou noir ? En grande partie parce que, dans notre univers où ce qui n’est pas hyper visible n’existe pas, les savant(e)s et les créatrices/teurs ont pour l’instant totalement perdu la bataille médiatique et politique. Quand on demande leur avis sur tout à des sportifs ou des actrices/teurs ou des chanteuses/teurs, ils sont invisibles ou réduits à être des faire-valoir comme « expert » à la parole découpée sans rien contrôler du contenu. Pire, un dédain suprême les accompagne : ce sont des fâcheux, des soporifiques prétentieux. Du coup, non seulement on ne sait pas qui ils sont, mais on ne se renseigne même pas et on postule leur inintérêt.

Disons-le fortement : les créatrices/teurs et les savant(e)s sont souvent aujourd’hui dans une grande misère morale ou un sentiment de révolte. A regarder autour de soi, celles et ceux qui devraient préparer notre avenir et être portés comme modèles sociaux sont souvent déprimés et humiliés : pensons à ces créatrices et créateurs faisant un travail en parallèle pour réaliser leur passion tout en étant vus comme des parasites ratés, à ces chercheuses/cheurs en sciences humaines précarisés et partant à l’étranger, ces conservateurs de musées traités pires que des balayeurs par leurs tutelles ou ces journalistes spécialisés sous-payés, à la portion de plus en plus congrue et à la liberté restreinte… Et pourtant, ils offrent de la plus-value culturelle en travaillant très souvent gratuitement, mais dans un temps où ce qui n’est pas chiffré est considéré sans valeur (grossière erreur d’ailleurs, économique, politique et de psychologie sociale).

Bref, cela n’émeut personne. Du moment que les intermittents du spectacle ne troublent pas les manifestations où se promènent les ministres, tout va bien. La bureaucratie a gagné partout. Le mot d’ordre « pas de vagues » triomphe. L’immobilisme devient synonyme de bonne gestion. Les économies servent de projet. Des nominations opaques --impensables dans d’autres pays comme l’Allemagne, les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne-- de personnes interchangeables, pour beaucoup emplois fictifs (car ne faisant rien en attendant de passer à une autre fonction), récompensent les affidés.

Alors, ce dépérissement et ce mépris, cet immense malaise, sont-ils le fruit d’une déliquescence programmée pour se débarrasser d’un ministère de la Culture réduits aux acquêts en autonomisant des établissements public semi-privatisés et en basculant le reste vers les collectivités locales ?

Faut-il supprimer le ministère de la Culture et de la Communication ?

Depuis l’époque de François Mitterrand, il n’y a plus eu de pensée de la politique culturelle globale. En France, elle n’a existé de fait que lorsque le chef de l’Etat l’a soutenue avec un ministre de la Culture compétent et à forte personnalité sachant s’entourer. Jacques Chirac, avec le Quai Branly ou la Cité de l’immigration, n’a eu que des intérêts sectoriels sans conviction d’ensemble. Depuis... La suppression du ministère de la Culture et de la Communication pourrait donc s’imposer d’elle-même. Gageons que cela ne se fera pas par peur d’un tollé. Parce qu’il y a le volet Communication aussi. Mais nous restons au milieu du gué avec des acteurs en plein malaise et un ministère en déshérence, à l’administration engorgée sans politique claire. C’est tout à fait à l’image de notre pays constipé, dont tout le monde sent qu’il va devoir sortir des vieux débats et se projeter dans les temps nouveaux.

Que faire alors si on ne supprime pas ce ministère ? Il faut résolument penser les choses dans notre nouveau contexte local-global. Nous nous focalisons en effet sur le national comme si c’était la panacée, alors que le local et le global sont devenus fondamentaux. Ainsi, il apparaît d’abord essentiel de redynamiser toutes les formes de démocratie locale et d’expressions locales. Voilà pourquoi un ministère rénové de ce type doit intégrer évidemment le tourisme, car le tourisme est lié directement au patrimoine matériel et immatériel. La culture fait image, elle « vend » les territoires. Et c’est le moyen d’élargir la notion de culture aux cultures en faisant un Ministère d’expertise et d’aide en conseils au niveau local pour favoriser l’aménagement harmonieux des territoires.

En faisant aussi un ministère passeur, passeur du local à l’international associant tout le monde. Ces histoires de passages sont cruciales. Ministère-relai, ministère intégrateur (et lié à l’éducation à tout âge), il contribue à exporter nos créations, nos savoirs et nos savoir-faire, en associant les entreprises (pensons à toutes ces PME qui ont une fonction patrimoniale).

Pour ce qui concerne la Communication maintenant, aucune vraie réflexion n’est portée sur ce que le service public doit porter. Un immobilisme délétère a prévalu, qui ne satisfait personne. Le service public télévisuel est le domaine le plus caricatural. Arte mis à part, une grande dérive commerciale l’a vidé de son sens. La publicité, censée être supprimée, y est omniprésente, quand un impôt inégalitaire appelé « redevance » est payé par peu de personnes pour voir des choses qui pourraient être vues ailleurs. Les chaînes de France télévision sont à identité vague, alors que France 3 pourrait devenir un vrai relai des territoires, un vrai média-relai dont nous avons tant besoin pour assurer une diversité réelle et changer des quelques « people » en boucle. Et France 5 ne joue absolument pas son rôle éducatif ni ne permet à des scientifiques de concevoir des émissions.

D’une manière générale, l’Etat devrait faire l’inverse de ce que fut l’accord tacite des années 1960 : ne pas s’occuper de l’information mais s’occuper fortement du reste pour que les programmes aient du sens. Dans l’émiettement actuel où la télévision explose, avec multiplicité mais multiplicité des mêmes et du même, le service public est le moyen de faire autrement avec d’autres en mettant en valeur les forces vives du pays, en aidant à une vraie diversité, en mettant en valeur l’innovation tout en défendant des secteurs traditionnels, même sur la question des médias.

En ce qui concerne les programmes, prenons un exemple qui tient à cœur aux Françaises et aux Français : l’Histoire. Imaginerait-on une télévision publique tenue par une vision marxiste de l’Histoire. Ce serait un tollé. Aujourd’hui, mené par un journaliste issu de la presse des familles royales, à longueur d’émission sont mis en avant les puissants et les palais et, quand elle est évoquée, la Révolution française apparaît comme un temps d’obscurité sanglante de coupeurs de têtes. Un peu caricatural ? Il est temps que des historiennes et des historiens qui sont compétents sur leur période, comme l’étaient Georges Duby ou Marc Ferro, puissent créer des documentaires et des émissions. Et l’Histoire n’est qu’un exemple, il en est ainsi dans tous les domaines.

D’une manière générale, la réévaluation des modèles sociaux dans la visibilité publique est devenue indispensable : création, savoirs, savoir-faire, associations du lien social et de la transformation écologique, entreprises innovantes… Il est l’heure pour qu’une société comme la nôtre, à tous ses niveaux, admire et défende ses expressions culturelles (« j’aime où je vis »), respecte ses enseignants, ses créatrices/teurs, ses artisans, ses entreprises traditionnelles et innovantes, ses chercheuses/cheurs… Faisons une Culture Pride. Défendons les savoirs.

Alors, nous n’allons pas passer encore une campagne électorale avec des batailles de chiffres ou des notions d’exclusion inopérantes et dangereuses, des mensonges en tout genre, et en confondant de façon insultante peuple et ignorance. Tout cela n’est pas un détail, c’est un modèle de société à construire. Un modèle qui soude. Un facteur décisif de vivre-ensemble. Soyons fiers de porter les créations et les savoirs de nos territoires. A tout âge et partout, admirons des personnes réellement admirables. Reculturons nos sociétés.


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29 : 08 : 16

Remettre en marche la pensée de l'Histoire

J’ai lancé en 2012 à Hong Kong le mouvement « Résistance des savoirs / Knowledge is Beautiful », défendant savoirs, savoir-faire et création comme valeurs essentielles pour nos sociétés. Dans cet esprit, j’ai créé en 2015 les Rencontres-Promenades « Histoires de Passages… » à Argentat sur Dordogne. Surtout, régulièrement mes livres ou textes courts invitent à concevoir autrement notre environnement global en luttant contre la plaie actuelle en France : la médiocrité. Je diffuse maintenant quelques digests permettant d’aider à changer de perspectives. Voici donc un petit point sur la science historique.

Il n'est pas anodin car l'Histoire stratifiée et l'Histoire générale du visuel sont 2 enjeux civiques majeurs au temps des identités imbriquées et des radicalisations, avec d'une part un tropisme très dangereux vers le nationalisme d'exclusion ou l'éclatement communautariste, d'autre part la confusion généralisée sur les écrans et le besoin urgent de repères.

Remettre en marche la pensée

de l’Histoire

La médiocrité politique de notre époque correspond aussi à une sorte d’épuisement scientifique, de renoncement dans certaines disciplines. Partout, dans les sciences humaines notamment, la notion de post-modernisme a été nocive, car elle a correspondu à des perspectives bornées, au sens propre, quand il ne s’est pas agi de l’idée absurde d’un arrêt de l’Histoire et maintenant d’un revival nostalgique détestable bercé par la litanie de l’impuissance.

Il est donc temps de remettre en route la conceptualisation des phénomènes et l’articulation des disciplines. La phase d’uniformisation économique --avec ses lourdes conséquences environnementale et culturelles-- et d’explosion des communications a-t-elle eu sa traduction ? Nous végétons en fait avec des outils inopérants.

Essayons de résumer cela en quelques lignes. La science historique, en France, a été provincialisée par le développement délétère de la notion de « mémoire ». Ce ne fut pas le cas dans de nombreux autres pays. Ici, on a abouti, d’une part à une instrumentalisation de l’Histoire pour des intérêts communautaristes, d’autre part à une sorte d’Histoire au second degré accrochée à un phénomène du XIXe siècle : le « roman national ». Pour sortir de cette impasse, il importe donc désormais de substituer clairement au slogan « devoir de mémoire » celui de « besoin d’Histoire », car la mémoire est subjective et risque de diviser, quand l’Histoire rassemble autour d’études critiques vérifiables permettant les remises en cause.

Et ce n’est pas juste une question de slogan, mais la nécessité globalement de relancer la machine à penser et à inventer. Pour l’Histoire, nous avons besoin d’ouvrir de toute urgence les perspectives tant géographiquement que concernant les objets d’étude. Géographiquement d’abord, partout les réalités sont locales, régionales, nationales, continentales et terrestres. En conséquence, il importe de développer de l’Histoire stratifiée. Voilà l’approche cohérente, pour toutes les périodes. Ce ne peut plus être, ni une seule Histoire nationale, ni même une Histoire globale : nous comprenons que ce cadre géographique imbriqué est le seul adapté. Pour la pédagogie aussi : un enfant a besoin de connaître le passé de là où il habite, de sa région, de son pays, de son continent et de la Terre.

Cela se complète d'avancées thématiques complémentaires, comme la voie considérable ouverte déjà par tant de pionniers qui est celle d’une Histoire des échanges, des circulations, des interactions, des rejets et des oppositions (armées souvent mais pas seulement), des gender studies très développées, des travaux sur des groupes sociaux ou --plus récemment-- l'Histoire longue revue sous le prisme de l'écologie.

A cette ouverture structurelle, s’ajoute une nécessaire ouverture concernant les objets d’étude. L’Histoire est une reconstruction problématique du passé. Elle pense le passé inévitablement en fonction des réalités présentes. Voilà pourquoi il est temps de développer une branche particulière de l’histoire culturelle et de l’histoire globale (en la développant aussi de manière stratifiée) : l’Histoire du visuel.

La production visuelle humaine est considérable. Avant les premières traces écrites, elle est un témoignage essentiel, un « reste » précieux. Elle accompagne plus tard abondamment l’écrit (les pyramides, les monnaies ou la construction iconographique des cathédrales) et, à l’heure des 3 époques des images industrielles à partir du milieu du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui (l’ère du papier, celle de la projection et celle de l’écran), elle a explosé en nombre de façon exponentielle, souvent accompagnée d’ailleurs d’écrits ou de sons.

Comment penser que ces sources ne soient pas objets d’interrogations et de connaissances ? En termes pédagogiques, apprendre à voir est-il moins important qu’apprendre à lire ? En terme de recherche, peut-on s’en tenir disciplinairement à des « histoire de l’art » ou des « histoire des arts » et peut-on séparer cela de la question des médias ?

C’est absurde évidemment. Il est temps de faire sauter les petits pré-carrés ridicules intellectuellement. Non pas en niant l’art ou les arts comme phénomènes, mais en arrêtant d’appliquer ces notions inventées en Europe à des hommes préhistoriques qui n’étaient pas dans cette problématique, ni d’ailleurs les Aborigènes ou nombre des fabricants de cartes postales, par exemple.

Parce que nous sommes dans l’ère du cumul (recevant partout sur le même écran des images fixes ou mobiles correspondant à toutes les époques, tous les supports et toutes les civilisations), il faut scientifiquement traiter l’ensemble de ce qui a été et est produit, de manière à donner des repères dans le temps, dans l’espace et par support, de manière aussi à caractériser ce qui relève de l’esthétisation de l’utile et ce qui relève de l’art, des arts, de manière à comprendre également les vecteurs des images et des images artistiques.

Ainsi --disons-le avec force-- repenser aujourd’hui la science historique nécessite de développer prioritairement à la fois une Histoire stratifiée et une Histoire générale du visuel (avec des ouvertures thématiques). Etre ambitieux, c’est répondre aux réalités planétaires de notre époque et aux attentes pédagogiques considérables partout.

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LES NATIONS SONT DEPASSEES

Combien de fois, dans ma vie, je me suis étonné de la médiocrité des débats ambiants... Aujourd'hui, en France, on laisse faire une dérive réactionnaire et on laisse blablater des penseurs obsolètes de la désillusion. Je ne cesse depuis des années de propager des concepts autres, une autre vision du monde. Cela s'imposera, car les vraies fractures apparaîtront et les enjeux essentiels émergeront.

Voici un petit digest récent qui accompagne mes derniers livres (voir gervereau.com) :


LES NATIONS SONT DEPASSEES

Nous vivons une situation vraiment paradoxale. Des Jeux olympiques sont organisés –événement tout à fait international—et les mêmes événements sont regardés de façon strictement nationale pour savoir si tel ou tel athlète rapporte une médaille de plus ou de moins. Notre appartenance commune et nos solidarités planétaires incontournables ne sont-elles pas des causes suffisantes et primordiales ?

Autre exemple, des élections nationales vont avoir lieu en France. De multiples candidats se déclarent mais beaucoup s’inquiètent de la pauvreté de l’offre conceptuelle et de la déconnexion par rapport aux perceptions et attentes de la population. Cette déconnexion se traduit par un fort repli local, des micro-initiatives et une nette majorité de la population hors du vote ou dans une démarche de rejet.

Dernier exemple de ce paradoxe, l’éclatement de « pays » qui semblaient de l’extérieur être des « blocs ». Pensons à la Lybie, à l’Irak, à la Syrie. Mais quid de la Grande-Bretagne, de l’Espagne, de l’Italie ou la Chine avec ses 130 langues parlées ? Nous comprenons que tous les territoires sont des patchworks et des patchworks en plus secoués depuis longtemps par de nombreux mouvements de populations.

La réalité des enjeux est aujourd’hui en effet partout locale-globale. Parce que l’action de proximité est fondamentale concernant notre « directement visible ». Parce que les mouvements financiers comme ceux des produits et matières premières circulent autant que circulent les pollutions de l’eau, de l’air ou de la terre et les incidences du climat.

Alors, peut-on enfin cesser de réfléchir suivant un concept développé au XIXe et au XXe siècles et qui a été à l’origine d’un suicide européen avec la Première Guerre mondiale, de massacres idéologiques avec la Deuxième et de conglomérats post-coloniaux à l’identité incertaine ?

AGIR AU BON NIVEAU : LE LOCAL-GLOBAL

Essayons d’apporter ici quelques éléments sommaires d’un regard autre sur nos réalités présentes. Tout le monde parle de « mondialisation ». Chacune et chacun s’aperçoit que l’attachement à l’endroit où chacun vit est important, ce qui n’empêche nullement les migrations d’ailleurs. Le projet de vie est ainsi d’abord local, que ce soit dans les campagnes et leurs bassins de vie ou les micro-quartiers des villes (qui ne sont pas des « blocs », qui ont des « climats » différents suivant les endroits). J’aime où je vis, voilà le projet essentiel de la refondation locale, le projet rassembleur qui soude des histoires individuelles très diverses et des identités imbriquées (faites de goûts, de croyances, d’histoire familiale et personnelle…).

Tous les experts le notent, au temps du portable et de l’agriculture urbaine, la séparation ville-campagne a vécu. Dans ce contexte, la défense des initiatives locales, les circuits courts sont les aspects les plus évidents. Mais la démocratie directe, la qualité environnementale et l’économie de la gratuité sont essentiels. Il est temps d’arrêter de monétariser les échanges, quand ce qui importe le plus pour beaucoup d’habitantes et d’habitants reste la qualité du vivre ensemble.

Un Yao en forêt laotienne se moque d’être sous le seuil de pauvreté et probablement aussi un Wolof en banlieue de Dakar ou même un chômeur à Limoges. Tout dépend d’autres critères qui échappent souvent aux économistes, ignorants de ce qu’ils ne peuvent quantifier, méprisant la psychologie sociale ou les cultures diverses. La question importante pour nos trois exemples est plutôt de savoir la satisfaction de leurs besoins vitaux bien sûr mais surtout leurs relations avec l’environnement direct.

Dans ce cadre, l’implication de la population dans un tri rétro-futuro se révèle essentielle : choisir les traditions et lieux qu’on veut garder et là où on veut innover. Choisir aussi périodiquement de changer les choix collectifs et individuels. Voilà l’équilibre indispensable partout. Cessons de penser qu’on va tout balayer pour bâtir sur une table rase un monde parfait. Cessons d’imaginer que la perpétuation à l’identique de lieux et de rites --qui ont tous une origine historique, même nos paysages—suffise à former un projet d’avenir fiable et souhaitable.

Ce tri rétro-futuro est conditionné –on le comprend parfaitement—par un travail qui est à la fois horizontal et vertical. Horizontal, car en réseau avec beaucoup d’autres communautés géographiques proches ou lointaines. Vertical dans la mesure où désormais nous vivons une réalité stratifiée, avec le local, le régional, le national, le continental et le terrestre. Et tous ces niveaux importent.

Voilà pourquoi lorsque les Français s’imaginent (de moins en moins) qu’en élisant un roi centralisateur à la Louis XIV, ils vont se souder, peser dans le monde et résoudre leurs problèmes, ils s’abusent et vont inévitablement de déception en déception. Les temps ont considérablement changé. Notre organisation politique doit en tenir compte en étant stratifiée et en répartissant les bons niveaux de décision avec la bonne strate. Cela implique d’ailleurs aussi incidemment qu’au niveau éducatif on nous apprenne l’histoire de façon stratifiée, depuis là où on habite jusqu’au niveau des grands enjeux terrestres.

Il s’agit d’un grand big bang mental qui a évidemment des incidences dans tous les domaines, politiques, économiques, scientifiques, éducatifs… D’autant que ce grand chantier local s’accompagne d’évidence par un autre qui est son pendant : la structuration fédérale d’un gouvernement terrestre à partir d’un Pacte commun minimal. Il n’est plus possible de subir les dérèglements économiques et financiers aux immenses conséquences environnementales, sociales, culturelles.

Nous l’avons vu avec la COP21, les Etats sont dépassés par des puissances économiques et financières qui changent la vie de milliards de personnes sans contrôle, matériellement et culturellement. Des catastrophes physiques adviennent qui se rient des frontières, des génocides culturels également. Les organismes aux pouvoirs restreints et les conférences ne suffisent plus à des enjeux qui se sont accélérés, au risque de raidissements, de guerres, de volontés autarciques, d’une conjugaison d’égoïsmes sur une planète éclatée et disparate. Il est vraiment urgent de structurer le niveau global, loin des intérêts à courte vue. Au temps du désabusement généralisé et souvent intéressé, voilà un projet à porter partout avec le soutien des peuples.

LE VRAI CLIVAGE IDEOLOGIQUE : UNICITE OU DEFENSE DE LA DIVERSITE

Tout cela nous explique combien la dérive nationaliste en cours dans certains pays est une illusion dangereuse. Fermer les frontières ne protège ni du terrorisme, ni de la perte des repères culturels ou de la dépendance économique. De surcroît, ces pensées nostalgiques d’un « hier » paré de toutes les vertus constituent un non-sens historique et un leurre.

Un autre leurre --très peu évoqué celui-là-- est celui du « progrès ». Née en Europe, la notion de progrès a triomphé au XIXe siècle avec l’idéologie industrielle, les théoriciens de l’émancipation sociale, l’expansion coloniale et le scientisme. Au passage, indiquons que le scientisme est pourtant le contraire de la démarche scientifique basée sur l’esprit critique, l’expérimentation, le doute et les remises en question.

De même, l’idéologie du « progrès » est à l’opposé de la volonté du mouvement. Le Progrès, comme le Bonheur, comme les sociétés utopiques parfaites, sont des pensées d’un arrêt de l’Histoire. Au nom du progrès, combien de destructions matérielles et culturelles ont été réalisées ? Au nom des sociétés parfaites, combien de crimes ?

La désillusion d’aujourd’hui et la défaite idéologique des mouvements de transformation sociale viennent de la confusion entre progrès et mouvement. Proclamer que demain sera mieux qu’hier est devenu un mensonge quand le confort matériel ne suffit pas à l’épanouissement personnel, quand la durée de vie allongée n’est pas une assurance de qualité d’existence. Les cartes sont brouillées.

Pour les réactionnaires, au sens propre, pas d’ambiguïté : la vision idéalisée d’hier constitue l’horizon indépassable. Il faut revenir à hier pour être heureux. Pour les défenseurs de la transformation sociale et de la qualité environnementale, la nécessité de l’expérimentation rétro-futuro dans le mouvement doit se substituer à l’idéologie du Progrès au sein d’une sorte de darwinisme philosophique : une évolution perpétuelle, un mouvement où collectivement et individuellement on cherche à peser sur les conditions de vie, un volontarisme pragmatique.

Une telle attitude cesse d’imposer une vision unique du Progrès mais respecte différentes visions du monde sans imposer l’uniformisation comportementale. Le mouvement est une façon de structurer en fonction d’intérêts globaux les conditions de nos différences. C’est une philosophie de la relativité (pas du relativisme). Dans ce cadre, toutes les organisations et courants de pensées qui se veulent émancipateurs doivent alors intégrer plusieurs données : le local-global pour les niveaux d’action, le rétro-futuro pour les choix et la défense de la diversité (diversifiant la diversité) pour les buts.

Cela correspond à là où nous vivons : un univers terrestre unique et fini, relatif, dans lequel il va falloir cesser de penser que la multiplication industrielle des produits et des humains est une chose souhaitable. Des limites dynamiques (pouvant être remises en question) sont en effet nécessaires avec des choix locaux sur une planète unifiée par des intérêts vitaux communs et ouverte sur des différences anciennes ou d’invention récente.

CHANGER NOS CRITERES DE COMPREHENSION DU MONDE

Nous comprenons alors que la vraie frontière idéologique réside désormais, non pas entre les religieux ou non religieux, les nationalistes et les socialistes ou les punks et les militaires, mais entre les tolérants et les intolérants, entre les défenseurs du pluralisme et de la diversité (qui peuvent être nommés MULTI) et celles et ceux qui veulent imposer des comportements uniques (MONO). Cela recoupe d’ailleurs deux autres chantiers séparant les altruistes ouverts sur le futur et les égoïstes à courte vue : celui de la justice entre les individus et celui de l’écologie, c’est-à-dire le souci de l’ensemble de l’environnement terrestre dont les humains sont une partie significative.

Nous nous obnubilons en effet de questions périphériques et peu efficientes. Nous nous excitons sur des débats sans aucun intérêt. Il serait temps de repenser les choses en fonction des réalités de ce que nous nommons le XXIe siècle. Entrons enfin dans la vraie dimension des enjeux actuels où les nations ne sont qu’un des éléments de notre monde local-global et la défense de la diversité le vrai fossé idéologique planétaire.

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